mardi 25 décembre 2012

Jeu d'écriture n° 3: "Recette de la pâté de croissance pour têtards" - Texte de Hélène

Jeu d'écriture n° 3 :
Ecrire une recette de cuisine poétique, vraie ou imaginaire



Il faut d’abord savoir qu’en ce temps-là, la grande préoccupation des grenouilles était de manger leurs petits par erreur. En effet, déstabilisées depuis que Jupiter leur avait envoyé pour roi la grue cruelle, elles s’étaient aperçu que les têtards étaient fort différents d’elles-mêmes et craignaient de ne pas les reconnaître pour leurs. Elles veillaient donc à s’en tenir éloignées et avaient engagé les salamandres comme gouvernantes, non sans force recommandations quant au choix de la mare et à la qualité du brouet. Pour être à la hauteur de leur tâche, lesdites avaient fini par élaborer la recette suivante :

Ingrédients pour 100g de pâtée

·  Un œuf de héron au long bec emmanché d’un long cou
·  60 grammes de frai, bien frais,  de carpe, de tanche ou, à défaut, de goujon
·  15 larves de moustique
·  De la vase riche en algues
·  Facultatif : pour les sujets rachitiques, prévoir quelques mouches du coche en plus, selon prescription
·  2 ailes de libellule

Préparation (sans cuisson)

·  Dans une vieille boîte de conserve jetée à la mare par un pique-niqueur négligent, déposer le frai de poisson tout juste recueilli
·  Le brasser délicatement avec une tige de roseau-qui-plie-et-ne-rompt-pas, jusqu’à ce que les grumeaux disparaissent
·  Incorporer une à une les larves de moustique AVANT qu’elles aient commencé à tisser leur chrysalide.
·  Continuer à tourner pour obtenir un mélange onctueux
·  Casser l’œuf de héron sur le tout, sans cesser de mélanger. Réserver la coquille qui, broyée à part et ajoutée par la suite, fournira un judicieux apport de calcium.
·  Compléter avec de la vase pour parvenir à la quantité et ajouter de l’eau selon la consistance désirée.
·  Juste avant de servir, décorer avec les ailes de libellule.


Donner à satiété, jusqu’à ce qu’apparaiseent les bourgeons des pattes.

mercredi 19 décembre 2012

Jeu d'écriture N° 3 - « Vous ne viendrez pas à Noël ? C’est dommage ! » - Texte d’Élise Vieira


Jeu d’écriture N°3 :
Ecrire une recette de cuisine poétique, vraie ou imaginaire.


Une belle sœur que vous ne saupoudrez pas s’est invitée chez vous avec ses quatre lardons pour Noël ? Vous êtes vidée d’avance ?
Pas de quoi faire un pâté et trois fromages mais il n’est pas question de vous les farcir une année de plus.
Voici quelques idées qui font recette pour renverser la marmite :
Concoctez-lui une excuse du genre "Cette année les enfants ne s’intéressent à aucun cadeau en dessous d’une valeur 150 Euros". Faites lui comprendre que l’addition risque d’être salée. Si la peur de se faire plumer ne marche pas, piquez un peu la bête en glissant ça et là d’autres gousses « d’aïe », du genre "Sais-tu que la région est horriblement pluvieuse en décembre ?", avec un peu de chance, elle ne voudra pas se prendre une sauce.

A ce stade, une petite croûte devrait déjà se former dans vos relations, n’oubliez pas de savourer tout indice d’hésitation, mais l’affaire n’est pas encore tout à fait juteuse et elle insiste … Evitez les réponses pas piqués des hannetons du genre : "si tu viens, t’es marron ou je vais te réduire en purée !", vous ne ferez que jeter de l’huile sur le feu et vous risquez de vous cramer définitivement aux yeux de toute la famille.
Vous bouillonnez ? C’est normal mais il faut laisser mijoter un peu, vous avez besoin de temps pour affûter vos arguments avant de passer à la prochaine étape de la préparation, toutefois n’attendez pas la veille pour vous manifester à nouveau sinon vous êtes cuite.

Laissez reposer l’appareil quelques jours donc et choisissez le moment idéal pour reprendre la cuisson. Avant de redémarrer, pensez à cuisiner votre entourage. Pour bisquer votre adversaire, rien de tel qu’une contrariété, vous avez eu vent d’une dispute conjugale, son aîné a eu des mauvaises notes à l’école, vite ! C’est le moment d’embrocher la dinde, composez son numéro, mitonnez si nécessaire mais soyez créatif, il faut faire monter la mayonnaise. Les ingrédients ? Des tonnes de louanges sur vos enfants, une bonne louche sur votre perte de poids suivie de l’achat du dernier Vuitton pour vous récompenser de vos efforts, une dizaine de K€ d’augmentation (point trop n’en faut) mais surtout n’ayez pas la main légère sur tous les ingrédients du bonheur, le résultat n’en sera que meilleur !
Vous sentez ce délicieux fumé dans sa nage de légumes ? C’est pas le moment de vous dégonfler en vous disant que vous êtes une pelure. Il faut aller jusqu’au bout, disposez quelques aromates pour parfumer avec vos envies d’agrandir la maison ou les projets d’emmener toute votre famille dans un road trip Américain l’été prochain. Il ne faut pas négliger la présentation. Surveillez. Ça y est, elle est à point ? Bravo ! Vous pouvez vous féliciter, vous venez de faire vos premiers pas dans le grand art de la cuisine familiale.




lundi 17 décembre 2012

Jeu d'écriture N°2 - 3 visions de la même scène ... Georges


Mercredi 12 décembre – 19h40 - Paris – Gare Saint Lazare – Métro Ligne 13

Nous voilà sur le quai du métro à 19h40. Nous c’est Nelly, ma chère et tendre, et moi.
 Nous sommes attendus pour  diner dans le 18° arrondissement et nous avons décidé de prendre la ligne 13.
 Quand je dis "nous" c’est plutôt moi avec mon optimisme permanent qui ait un peu forcé la décision.
J'ai déjà un retard de 30 minutes causé par la suppression de deux trains, vous imaginez sans doute l'ambiance.
Sur le quai du métro une foule dense, fatiguée, ne souhaitant qu'une seule  chose c'est rentrer au plus vite chez soi. Et encore 10 minutes d'attente pour monter dans la rame ad 'hoc.
Dans la cohue, je me récupère le bouquet de fleurs que Nelly a prévu d'offrir à la maitresse de maison.
 Ma mission, et je n'ai d'autre choix que de l'accepter, est de mener en bon état et à bon port ledit bouquet de roses jaunes.
Dès l'ouverture des portes, je me positionne en formation "Pare-Buffles de Jeep" à l'aide de mes 2 bras protégeant le précieux présent.
Je laisse passer  le trop peu de personnes qui descendent à Saint Lazare et poussés par les "ceusses" de derrière, je rentre dans la rame m'écrasant sur les quidams placés devant moi ; excuses nombreuses pour me faire pardonner de "jouer" les coudes en avant.
La rame démarre, l'avantage quand il y a tant de monde c'est que l'on tient tout seul, pas besoin d'avoir une main sur la barre centrale ou sur les dossiers des banquettes.
Liège : accalmie, rien à signaler, par chance pas d'entrant ni de sortant.
Place de Clichy, pas grand monde ne descend et encore des voyageurs qui  s'entassent.
La Fourche, grand chambard, Tatiana (la belle touriste russe) et ses 2 copines veulent sortir. Elles sont en plein milieu de la voiture et déclenchent une belle panique pour s'extirper de la mêlée. Ca râle de tous les côtés mais finalement elles y arrivent et se retrouvent sur le quai toutes ensemble.
Guy Moquet enfin, pour moi c'est la délivrance je sors à reculons en écrasant un pied. Un sourire forcé et de nouveau des excuses pour tenter de me faire pardonner.
Sur le quai c'est fini, avec la satisfaction du devoir accompli, je rends à Nelly le bouquet en bon état.


Mercredi 12 décembre – 19h40 - Paris – Gare Saint Lazare – Métro Ligne 13

Nous voilà sur le quai du métro à 19h40. Nous c’est Georges, mon mari, et moi.
 Nous sommes attendus pour  diner dans le 18° arrondissement  et Georges a décidé de prendre la ligne 13. J'ai râlé car il a, comme souvent, imposé sa volonté. Avec son perpétuel optimisme il s'imagine que la ligne 13 à cette heure là c'est une partie de plaisir et que ça passe tranquille.
En plus il a 30 minutes de retard,  "ils ont supprimé  deux trains…" il me dit comme pour se dédouaner.
Nous descendons sur le quai du métro. C'est la cohue : une foule dense, fatiguée, composée de gens ne souhaitant qu'une seule  chose rentrer au plus vite chez eux.
 Et encore 10 minutes d'attente pour monter dans la rame ad 'hoc.
Bon je vais lui demander de porter  le bouquet de fleurs cadeau de bienvenue pour la maitresse de maison.
"Costaud comme tu es tu devrais arriver à le préserver de l'écrasement", lui dis-je et il n'a pas intérêt à refuser ...
Je l'aperçois qui se met en position de défense à l'aide de ses 2 bras portés en avant pour protéger les roses.
Nous laissons  passer  le trop peu de personnes qui descendent à Saint Lazare et poussés par les "ceusses" de derrière, nous rentrons tant bien que mal  dans la rame.
La rame démarre, l'avantage quand il y a tant de monde c'est que l'on tient tout seul, pas besoin d'avoir une main sur la barre centrale ou sur les dossiers des banquettes.
Liège : RAS personne ne descend ni ne monte.
Place de Clichy, 2 ou 3 sortants et une petite dizaine de nouveaux voyageurs pénètrent dans la rame.
 La Fourche : branle bas de combat, les 3 belles touristes russes se sont concertées à haute voix  et ont décidé de sortir à cet arrêt. Bloquées en plein milieu de la voiture, elles provoquent  une belle panique pour s'extraire de la mêlée. Ca râle de tous les côtés mais finalement elles y arrivent et se retrouvent en rigolant sur le quai toutes ensemble.
Guy Moquet enfin. Georges s'extirpe du métro, écrase une dernière fois  le pied du monsieur qui s'était effacé pour le laisser sortir et après lui avoir décoché  un sourire en coin et de plates excuses me rejoins.
Il me rend le bouquet de fleurs plutôt bien conservé.
"Tu avais raison" ajoute t'il "la ligne 13 à cette heure, c'est pas top"

Mercredi 12 décembre – 19h40 - Paris – Gare Saint Lazare – Métro Ligne 13

"Voilà déjà dix stations que nous sommes entrées dans cette rame de métro" pense Tatiana," et à chaque station il y a de plus en plus de personnes".
Tatiana est étudiante à Moscou. Elle est venue avec ses 2 copines pour une petite semaine de tourisme à Paris. Ce soir elles ont rendez vous chez une amie française rencontrée l'année dernière sur les bancs de l'université.
Le train arrive à la station Saint Lazare. Tatiana sait que Saint Lazare est une importante gare  qui dessert la banlieue parisienne et elle pense que beaucoup de personnes vont descendre de la rame de métro. Mais non, à peine une petite dizaine de personnes sortent et une meute d'au moins 25 personnes tentent d'embarquer.
Parmi eux un petit bonhomme aux cheveux blancs qui essaie désespérément de protéger son bouquet de fleurs à l'aide de ses coudes portés en avant tel un danseur en 3° position.
Il rentre dans le métro qui démarre. Porté par la foule qui le presse de toute part l'homme au bouquet  brinqueballe de part et d'autre au rythme des mouvements de la rame et des entrées et des sorties des voyageurs.
Place de Clichy puis enfin La Fourche. "Hé c'est là qu'on descend. Nadia, Svetlana bougez vous …", nous poussons, bousculons, crions,  pour enfin être éjectées sur le quai tout en rigolant comme des folles. Le petit bonhomme lui remonte dans le métro tout en continuant à protéger ses fleurs.

Jeu d'écriture N°2 - Angles de vue - Texte de Sophie Gourion

Voici la consigne du jeu d'écriture N°2 (à laquelle a déjà répondu Elise dans le billet précédent!) : décrire une scène de fiction, vue par 3 personnages différents.

Voici ma participation:


Brigitte
Plonger, essorer, laver, frotter, recommencer. Mes mains fripées par l’eau chaude, mes genoux rougis par le carrelage froid, je ne les sens plus, toute entière à ma tâche. D’abord laver le sol, briquer le plan de travail, puis sortir et lustrer l’argenterie. Il y a toujours quelque chose à faire dans une cuisine. Cette frénésie d’action m’empêche de penser. Quand je récure, mon esprit arrête ses cogitations sans fin, j’habite enfin ce corps qui n’intéresse plus personne. Toute cette énergie en moi, cette envie d’être serrée, embrassée, touchée je la dépense ainsi, les mains dans mon seau, le balai contre mon coeur.  Une fois le ménage terminé, je suis courbaturée, j’ai le dos rompu, les membres lourds. Je me sens enfin en vie. Pour beaucoup, ça n’est qu’une corvée rédhibitoire, pour moi c’est un plaisir coupable. Comme un amant impatient qui ne m’a jamais déçue, le ménage me presse plusieurs fois par jour en susurrant à mon oreille « Viens me retrouver ».  J’abandonne alors mari, ami et loisirs pour retrouver l’odeur musquée de l’encaustique et ces mouvements répétitifs qui me bercent et m’emmènent loin d’ici.
Plonger, essorer, laver, frotter, recommencer.
L’eau dans mon seau est toute grisâtre, c’est fou comme une maison peut se salir rapidement.


Gilbert
Je n’ai pas encore franchi le seuil de la cuisine que je t’imagine déjà, agenouillée sur le carrelage, passant et repassant ta serpillère humide. J’entends d’ici tes bruits aquatiques, splitch splatch splotch, ton râle, le tintement de l’anse métallique de ton seau et je comprends que rien ni personne ne pourra te déranger. Ma Brigitte. Quand je t’observe ainsi toute à ta tâche, je ne peux m’empêcher de revoir la frêle jeune fille de 20 ans, légère et pétillante, sa queue de cheval au vent, filant sur son scooter. Que s’est-il passé en 40 ans? Qu’avons-nous fait pour nous perdre de la sorte ? A quel moment le fil s’est-il rompu ? Je voulais te proposer d’aller au cinéma mais je sais d’avance que tu refuseras : il fait trop froid, tu as ton ménage à terminer, tu es fatiguée. Alors je me contente de t’observer ainsi, à la dérobée, caché derrière le cadre de la porte. Vers quoi vont tes pensées quand tu plonges ta serpillère ainsi dans l’eau fumante, quand tu la fais aller et venir sur ce sol déjà rutilant ? Je détaille ta croupe, de dos, tes bras moelleux, ton chignon flou. Puisque tu as décidé depuis quelques années de faire chambre à part, c’est tout ce qu’il me reste. Te regarder. J’ai envie de tout envoyer valdinguer, renverser ce seau, jeter la serpillère par la fenêtre. Mais ton visage ravi et serein devant ce sol immaculé m’en empêche. Je ne peux pas lutter. Je m’esquive sans bruit.

Fanny
C’est une bonne idée ce déjeuner surprise chez mes parents. Les prévenir ? A quoi bon ? De toutes façons, qu’ont-ils d’autre à faire ? A peine la porte poussée, je tombe sur toi maman. Pour changer, tu es encore à 4 pattes, penchée sur ton maudit seau, ton sourire extatique aux lèvres. J’étouffe. J’aimerais tellement être aux antipodes de toi, maman, d’ailleurs j’y travaille avec application. Toujours entre 2 avions, je m’enivre aux jetlags, je m’oublie dans des chambres d’hôtel anonymes et dans des bras inconnus. Je change de travail et de ville tous les 6 mois, d’amis aussi. La seule chose immuable dans ma vie c’est toi et papa. Et ta façon obsessionnelle d’astiquer ta fichue cuisine. Et vas-y que j’essore ma serpillère, que je la passe et la repasse. Moi le seul ménage que j’arrive à faire c’est dans ma vie. J’ai un talent certain pour les histoires passagères et les amitiés d’un soir. J’appréhende déjà notre déjeuner, une fois que tu auras sorti la tête de ton seau. Non je n’ai toujours pas trouvé l’homme de ma vie. Oui ta jardinière est très bonne. Puis ce silence, lourd et éloquent.
En arrière-plan, j’aperçois la silhouette de papa qui s’esquive discrètement. Je crois que je vais en faire autant. A bientôt maman.

jeudi 13 décembre 2012

Jeu d'écriture N°2 - C’était une belle après-midi d’Automne - Texte d'Élise Vieira


C’était une belle après-midi d’Automne.
Le soleil baigne les terrasses Parisiennes où le retraité cotoie la lycéenne qui fait l’école buissonnière et moi.
À l’angle de la rue Bagnolet et du Boulevard de Charonne, pendant que moi je me hâte en allers-retours, de la terrasse au bar, du bar à la terrasse … Je dois bien faire un marathon de 21 kilomètres tous les jours, tout ça pour des clopinettes ! Les gens se prélassent en prenant tout leur temps. Ils ne rendent pas compte que je suis là pour gagner ma vie, moi ! Regardez, cette fille qui est assise avec son café depuis plus d’une heure maintenant pour seulement 2€50 ! Bah ! ces écrivains, c’est les pires, pis c’est pas eux qui laisserait un pourboire en plus ! V’la qu’elle papote avec sa voisine maintenant. Ah ! Je vous parie que dans une heure, elle est encore là !
Mais bien sûre, j’ai que ça à faire ! Et un verre d’eau en plus, il aurait pas pu me le demander avec son café ! Lui au moins, il lis pas, il écrit pas, il sera vite parti.
On ne m’y reprendra pas à accepter des extras dans des quartiers où il y a pas un seul touriste, ça vaut pas la place des Ternes ! Y a des Russes. Les Russes, eux je les aime bien ! Il y en a un, une fois qui m’a laissé 50€ de pourboire. Et les Américains ! Eux aussi, ils ont compris que le service, ça se paye !
Là, c’est le ponpon ! « Madame Audrey » ne veut rien. Si elle ose le coup de l’ordinateur portable, je la vire illico ! Moi qui croyais qu’il serait vite parti celui-là. C’est décidé, demain je cherche une autre place. Je ne le supporte plus ce quartier de gauchos ! C’est ça, casse-toi, la gribouilleuse, il était temps !

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C’était une belle après-midi d’Automne.
Le soleil baigne les terrasses Parisiennes où le retraité cotoie la lycéenne qui fait l’école buissonnière et moi.
À l’angle de la rue Bagnolet et du Boulevard de Charonne, pendant que je m’efforce de décrire le mouvement de la ville au rythme de mes déplacements de la journée, le serveur sort sa carte et le retraité a presque terminé son Loto Foot. Un gars vient de s’asseoir en face. Il est occupé à rien.
J’ai à peine le temps de m’interroger sur cet homme quand une dame rondouillarde, l’air de s’être pas lavée la veille, tire la chaise juste à ma gauche. Toutes ces tables vides et il faut que cette cinglée vienne envahir ma sphère intime ! Irritée, je suis sur le point de signifier à mon agresseur que les tables vides ne manquaient pas quand elle se met à me parler. Instantanément désarmée par la bonhomie de son expression et ses promptes excuses, j’abandonne ma colère et décide de me laisser faire. Elle veut me parler. Qu’elle me parle. Après tout, j’ai fini mon café et je peux prendre cinq minutes.
Quand une personne force le dialogue au point feindre de ne pas voir que vous êtes occupé, c’est que le besoin est urgent. Je ne tarderai pas à apprendre qu’elle était est au dernier stade de son cancer. Ce qui m’a le plus frappé dans cet échange, c’est l’effort de positivisme qu’elle déployait et le mien à ne rien laisser transparaître de ma peine. Que cherchait-elle ? Raconter son malheur au plus grand nombre pour ne pas mourir toute seule ? Se convaincre que tout n’allait pas si mal ? Ou encore tester sur un autre l’annonce d’une mort imminente ? Mon irritation s’était transformée en un sentiment d’otage. Je ne voulais prendre aucun risque. Ne surtout pas s’apitoyer. Difficile mais certainement le meilleur comportement à adopter, pour elle.
Il est onze heures, je ne sais pas trop comment abréger. La lycéenne est partie. En face, soudain le gars se lève en criant « Audrey ! ».
Devant moi, derrière eux, un écriteau indiquant le Père Lachaise, je décide malgré tout de poursuivre mon traiter sur la ville par la racine. Je payai mon café et parti en prétextant bêtement que le temps passait vite.
Le serveur encaissa rapidement, sans me remercier.

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C’était une belle après-midi d’Automne.
Le soleil baigne les terrasses Parisiennes où le retraité cotoie la lycéenne qui fait l’école buissonnière et moi.
À l’angle de la rue Bagnolet et du Boulevard de Charonne, pendant que j’attends Audrey, une fille, en face, écrit sur un cahier.
Cette fille, je l’ai dans la peau. Cette fois, je lui dis !
Je me lance, je lui dis qu’elle est belle. « Je vous trouve belle ». C’est nul !
« Vous a-t-on déjà dis que vous étiez belle ?». C’est ringard !
« T’es pas belle, t’es sublime Audrey! »… Grrr …Ça va pas du tout. Je laisse tomber !
Elle a une démarche de bateau qui chaloupe. Son petit nez bouge comme un bouton qui clignote. Quand elle parle, elle se hisse comme pour prendre de la hauteur, elle est encore plus effilée. Elle rit fort, c’est presque gênant, mon joli roseau qui siffle au vent … Ses cheveux sentent la pomme et reflètent la lumière. « Audrey, tu reflètes si bien la lumière ». Ah ! Pitié …
Dis donc, pas cool, ce serveur !
Tiens ! Miss cahier discute avec sa voisine. Elles ont l’air de bien s’entendre, ça fait un moment.
Ah, Audrey, enfin ! Est si bêêlle !
« Audrey ! »

mardi 11 décembre 2012

Jeu d'écriture N°1 - A la belle étoile, j’ai dormi. Fogg en a profité pour s’éclipser à la vitesse de la lumière ... - un texte d'Élise Vieira.


A la belle étoile, j’ai dormi. Fogg en a profité pour s’éclipser à la vitesse de la lumière ...

Donnant l’impression d’être sur une autre planète, tantôt filant comme une fusée, soudain aux arrêts, absorbé par l’analyse des astres femelles, le museau inlassablement collé à la lune de ces demoiselles, ce monsieur ne connaît pas les bonnes manières.
Comme embué dans un voile lactée, la truffe aux commandes, il semble imperméabilisé aux pluies d’astéroïdes de mes injonctions :
Fogg ! Fogg !  Fogg ne répond pas.
Mon Fogg s’est fait la belle, il plane aux confins de son univers.
Tapis quelque part, en pleine nuit, perdu dans le décompte de mille et une odeurs …
Puis d’un coup, nos pensés se télescopent :
Tel Phileas, en orbite, furetant depuis plus de 80 minutes, il réapparaît fièrement, ventre à terre comme si il avait bravé tous les dangers intergalactiques.
Pari réussi ou bonne étoile ? 
Qui veille ? Lui sur moi et moi sur lui. 
Quand il daigne s’extraire à ses explorations olfactives, Fogg s’avère être un gardien redoutable. 
Si il est bien luné, mon astronaute aux pattes courtes de Jack Russel est aussi véloce que la lumière et comme moi, il peut tourner en rond pendant des heures ou  ... Partir comme une fusée à  la vitesse de la lumière, cap sur une autre planète où depuis le hublot d’une fusée, le télécospe à la main pour admirer l’éclipse de lune, au milieu d’une pluie d’astéroïdes venant tout droit d’un autre univers, l’esprit planant au dessus d’une voie lactée, Fogg and I …

Élise Vieira

jeudi 6 décembre 2012

Jeu d'écriture N°1 - Marteau - Texte de Sophie Gourion

Bonjour à tous!

Voici ma liste de 10 mots : Marteau - scie - plomb - clou - vis - tournevis - règle - niveau a eau - enclume - clé

Voici mon texte :


Cette fille me rend marteau. J’ai beau tenir sa lettre entre mes mains, la lire et la relire sans cesse, je n’arrive pas à me rentrer l’idée dans la tête. Elle est partie et ne reviendra pas. La perspective de vivre sans elle me coupe le souffle. Son absence me scie les jambes. En boucle, je refais le film à l’envers pour essayer de comprendre où notre histoire a dérapé, pour trouver la clé mais je tourne en rond et pète les plombs. Hanté par son visage en surimpression, je dévisse et tout se trouble dans ma tête. Terré chez moi depuis je ne sais plus quand, je regarde passer les jours de cette vie qui ne vaut plus un clou. Le cœur lourd comme une enclume, j’attends un signe d’elle, sait-on jamais, l’amour n’a pas de règle. L’autre jour, en rangeant ses affaires, je suis tombé sur un vieux tournevis et tout est remonté à la surface : je nous revoyais dans cet appartement vide, riant autour de notre nouveau meuble Ikéa que nous n’arrivions désespérément pas à monter. Le meuble a depuis fini à la benne, comme notre histoire, mais le tournevis est toujours là. Et moi, le cœur H.S, je me sens balloté comme la fragile bulle d’un niveau à eau. Je crois que je n’arriverai jamais à trouver mon équilibre sans elle.