C’était une belle après-midi d’Automne.
Le soleil baigne les terrasses Parisiennes où le retraité
cotoie la lycéenne qui fait l’école buissonnière et moi.
À l’angle de la rue Bagnolet et du Boulevard de Charonne,
pendant que moi je me hâte en allers-retours, de la terrasse au bar, du bar à
la terrasse … Je dois bien faire un marathon de 21 kilomètres tous les jours,
tout ça pour des clopinettes ! Les gens se prélassent en prenant tout leur
temps. Ils ne rendent pas compte que je suis là pour gagner ma vie, moi !
Regardez, cette fille qui est assise avec son café depuis plus d’une heure
maintenant pour seulement 2€50 ! Bah ! ces écrivains, c’est les
pires, pis c’est pas eux qui laisserait un pourboire en plus ! V’la qu’elle
papote avec sa voisine maintenant. Ah ! Je vous parie que dans une heure,
elle est encore là !
Mais bien sûre, j’ai que ça à faire ! Et un verre d’eau
en plus, il aurait pas pu me le demander avec son café ! Lui au moins, il lis
pas, il écrit pas, il sera vite parti.
On ne m’y reprendra pas à accepter des extras dans des
quartiers où il y a pas un seul touriste, ça vaut pas la place des
Ternes ! Y a des Russes. Les Russes, eux je les aime bien ! Il y en a
un, une fois qui m’a laissé 50€ de pourboire. Et les Américains ! Eux
aussi, ils ont compris que le service, ça se paye !
Là, c’est le ponpon ! « Madame Audrey » ne
veut rien. Si elle ose le coup de l’ordinateur portable, je la vire
illico ! Moi qui croyais qu’il serait vite parti celui-là. C’est décidé,
demain je cherche une autre place. Je ne le supporte plus ce quartier de
gauchos ! C’est ça, casse-toi, la gribouilleuse, il était temps !
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C’était une belle après-midi d’Automne.
Le soleil baigne les terrasses Parisiennes où le retraité
cotoie la lycéenne qui fait l’école buissonnière et moi.
À l’angle de la rue Bagnolet et du Boulevard de Charonne,
pendant que je m’efforce de décrire le mouvement de la ville au rythme de mes
déplacements de la journée, le serveur sort sa carte et le retraité a presque terminé
son Loto Foot. Un gars vient de s’asseoir en face. Il est occupé à rien.
J’ai à peine le temps de m’interroger sur cet homme quand
une dame rondouillarde, l’air de s’être pas lavée la veille, tire la chaise
juste à ma gauche. Toutes ces tables vides et il faut que cette cinglée vienne
envahir ma sphère intime ! Irritée, je suis sur le point de signifier à
mon agresseur que les tables vides ne manquaient pas quand elle se met à me
parler. Instantanément désarmée par la bonhomie de son expression et ses
promptes excuses, j’abandonne ma colère et décide de me laisser faire. Elle
veut me parler. Qu’elle me parle. Après tout, j’ai fini mon café et je peux
prendre cinq minutes.
Quand une personne force le dialogue au point feindre de ne
pas voir que vous êtes occupé, c’est que le besoin est urgent. Je ne tarderai
pas à apprendre qu’elle était est au dernier stade de son cancer. Ce qui m’a le
plus frappé dans cet échange, c’est l’effort de positivisme qu’elle déployait
et le mien à ne rien laisser transparaître de ma peine. Que
cherchait-elle ? Raconter son malheur au plus grand nombre pour ne pas
mourir toute seule ? Se convaincre que tout n’allait pas si mal ? Ou
encore tester sur un autre l’annonce d’une mort imminente ? Mon irritation
s’était transformée en un sentiment d’otage. Je ne voulais prendre aucun
risque. Ne surtout pas s’apitoyer. Difficile mais certainement le meilleur
comportement à adopter, pour elle.
Il est onze heures, je ne sais pas trop comment abréger. La
lycéenne est partie. En face, soudain le gars se lève en criant
« Audrey ! ».
Devant moi, derrière eux, un écriteau indiquant le Père
Lachaise, je décide malgré tout de poursuivre mon traiter sur la ville par la
racine. Je payai mon café et parti en prétextant bêtement que le temps passait
vite.
Le serveur encaissa rapidement, sans me remercier.
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C’était une belle après-midi d’Automne.
Le soleil baigne les terrasses Parisiennes où le retraité
cotoie la lycéenne qui fait l’école buissonnière et moi.
À l’angle de la rue Bagnolet et du Boulevard de Charonne,
pendant que j’attends Audrey, une fille, en face, écrit sur un cahier.
Cette fille, je l’ai dans la peau. Cette fois, je lui
dis !
Je me lance, je lui dis qu’elle est belle. « Je vous
trouve belle ». C’est nul !
« Vous a-t-on déjà dis que vous étiez belle ?».
C’est ringard !
« T’es pas belle, t’es sublime Audrey! »…
Grrr …Ça va pas du tout. Je laisse tomber !
Elle a une démarche de bateau qui chaloupe. Son petit nez
bouge comme un bouton qui clignote. Quand elle parle, elle se hisse comme pour
prendre de la hauteur, elle est encore plus effilée. Elle rit fort, c’est
presque gênant, mon joli roseau qui siffle au vent … Ses cheveux sentent la
pomme et reflètent la lumière. « Audrey, tu reflètes si bien la lumière ».
Ah ! Pitié …
Dis donc, pas cool, ce serveur !
Tiens ! Miss cahier discute avec sa voisine. Elles ont
l’air de bien s’entendre, ça fait un moment.
Ah, Audrey, enfin ! Est si bêêlle !
« Audrey ! »
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