La tête : Hé ho, tu veux bien arrêter 2 secondes,
j’arrive pas à me concentrer !
Le cœur : Arrêter de battre ? Je veux bien mais tu
risques de te trouver bien ennuyé !
La tête : Très drôle.
Tu peux faire moins de bruit, réduire le rythme, te calmer un peu ou
c’est trop te demander ? Je n’entends que toi, tes pulsations m’assomment.
J’ai besoin de toutes mes capacités. Ce rendez-vous amoureux c’est un peu la
chance de ma vie. Enfin, de SA vie. Je suis son cerveau mais sans moi il n’est
pas grand-chose. Rien qu’une grande carcasse inutile, un pantin désarticulé.
Le cœur : C’est vrai que moi je ne suis qu’un
accessoire. Un viscère. Un vulgaire abat sur l’étal du boucher.
La tête : Toi et ta fichue susceptibilité. Mais oui tu
es important, tu pompes, tu irrigues. Il n’y a pas de sous-métier tu sais. Tu
es un organe très respectable mais tu es parfois trop sanguin voilà tout. Un
peu de retenue ne nuit pas.
Le cœur : Tu crois que ça ne me fatigue pas d’être si
émotif ? Rien que de penser à ce RDV je m’emballe et je pompe, je pompe.
J’essaye d’être efficace pour que chacun de ses membres, chacun de ses organes
puisse être au maximum de ses capacités. J’ai beau tenter de garder la tête
froide, rien que de penser au parfum de cette femme, à son regard enjôleur, à
ses tics si attendrissants, je bats de plus belle. Tu te rends compte qu’on ne
rencontre une personne comme cela qu’une fois dans sa vie ?
La tête : Du calme, rien n’est joué. Il va falloir être
fin, drôle, incisif, pertinent. C’est là où j’interviens. D’ailleurs, si tu
pouvais m’envoyer un peu de carburant au lieu de t’escrimer à le balancer dans
des organes un peu moins nobles si tu vois ce que je veux dire… Je ne pense pas
qu’ils vont conclure ce soir donc c’est un peu inutile. Laisse moi contrôler sa
tête, je crois qu’il va en avoir davantage besoin.
Le cœur : Hé ho, je fais ce que je peux. Y a des trucs
qu’on ne maitrise pas. Tu m’expliques, toi qui es si intelligent, à quoi ça
sert qu’il ait les mains moites en ce moment par exemple? Tu ne crois pas
que cette énergie pourrait être utilisée autrement ? Bon, ben c’est comme
ça, y a des trucs qu’on ne contrôle pas dans la vie. D’ailleurs c’est mieux ainsi
non ? Tu imagines si je battais constamment à un rythme régulier, comme un
métronome : quel ennui !
La tête : Parle pour toi. Si je pouvais n’être qu’un
pur esprit, non astreint à des contingences purement physiologiques, je ne m’en
porterais pas si mal je crois.
Le cœur : Hé ho, tu sais ce qu’elle te dit la
contingence physiologique ?
La tête : Chut, elle arrive. Tais toi et pompe.
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